Fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie

 

 

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Le fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine


Version provisoire
Projet de résolution adopté le 15-12-2011

Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe
(Commission de suivi)


Corapporteurs : M. Jean-Claude MIGNON, France, Groupe du Parti populaire européen, et Mme Karin S. WOLDSETH, Norvège, Groupe démocrate européen



1. L’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 1701 (2010) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine, dans laquelle elle appelait les principaux acteurs politiques à engager, avant les élections législatives d’octobre 2010, un dialogue constructif sur des propositions concrètes d’amendements à la Constitution afin d’adopter un ensemble complet de réformes, éliminant notamment la discrimination constitutionnelle qui s’exerce à l’égard des «autres» lors des élections à la Présidence et à la Chambre des peuples, mise en évidence par l’arrêt Sejdic et Finci rendu le 22 décembre 2009 par la Cour européenne des droits de l'homme.


2. L’Assemblée rappelle également sa Résolution 1725 (2010) sur le besoin urgent d’une réforme constitutionnelle en Bosnie-Herzégovine, dans laquelle elle exprimait sa vive inquiétude sur la non-adoption, avant les élections de 2010, des amendements nécessaires à la Constitution et à la loi électorale. Bien que globalement libres et justes, ces élections ont donc été tenues sur la base d’un cadre constitutionnel et juridique en violation de la Convention européenne des droits de l’homme et ses protocoles.


3. L’Assemblée regrette vivement qu’aucun effort digne de ce nom n’ait été déployé par les autorités pour mettre en place, avant les élections, un processus institutionnalisé sérieux destiné à préparer un ensemble complet d’amendements constitutionnels en consultation avec la société civile et une variété
d’experts juridiques, en vue d’une adoption prioritaire le plus rapidement possible après les élections. Composé de trois ministres et de neuf parlementaires, le groupe de travail mixte pour l’exécution de l’arrêt Sejdic et Finci a été paralysé par l’absentéisme. À la fin de ses travaux au mois de juin 2010, il n’a pas pu
trouver de consensus sur le mandat et la composition de l’instance à mettre en place après les élections.


4. L’Assemblée regrette qu’une année entière ait été perdue et que la nouvelle Commission mixte provisoire de l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine n’ait été mise en place qu’au mois d'octobre 2011. Cette dernière avait pour mission de préparer des amendements constitutionnels d'ici au 30 novembre et des amendements à la loi électorale d’ici au 31 décembre 2011. Le 1er décembre, la Commission mixte provisoire a officiellement annoncé l’échec de ses travaux. L’Assemblée déplore qu’une fois de plus, il n’ait pas été possible de trouver un consensus, même minimal, et de soumettre des propositions d’amendements constitutionnels au Parlement.


5. L’Assemblée réaffirme que l’arrêt Sejdic et Finci est juridiquement contraignant et qu’il doit être exécuté. Si les amendements nécessaires ne sont pas adoptés en temps utile avant les prochaines élections en 2014, l’Assemblée avertit que le maintien de la qualité de membre du Conseil de l’Europe de la Bosnie-Herzégovine pourrait être menacé.


6. Par conséquent, l’Assemblée :


6.1. invite instamment l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine à poursuivre ses travaux et à adopter des amendements constitutionnels sans plus attendre. Elle réaffirme que l’exécution de l’arrêt Sejdic et Finci constitue une première étape dans la réforme constitutionnelle globale qui s’avère nécessaire pour s’écarter du carcan institutionnel instauré par la constitution de Dayton et se
diriger vers une démocratie moderne, eurocompatible et fonctionnelle dans laquelle tous les citoyens, quelle que soit leur origine ethnique, jouissent des mêmes droits et libertés. L’Assemblée observe notamment que les règles de quorum restrictives, un recours abusif au vote par entité (une double majorité qualifiée utilisée pour toutes les prises de décisions du Parlement) et une définition ambiguë dudit « intérêt national vital » – au lieu d’empêcher la mise en minorité des groupes ethniques par le dialogue et la recherche de compromis – ont été systématiquement utilisés de manière excessive et entravent actuellement tous les processus décisionnels ;

6.2. réaffirme qu’un projet de réforme constitutionnelle a été fourni en 2005 par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et invite les autorités de Bosnie- Herzégovine à tenir compte de ses recommandations ;

6.3. rappelle que la réforme constitutionnelle est indispensable pour le fonctionnement de l’État, mais qu’il est également nécessaire de la mener à bien au niveau des entités et invite donc la Republika Srpska et la Fédération à finaliser d’urgence l’adoption d'amendements à leurs constitutions respectives, conformément aux recommandations formulées par la Commission de Venise, notamment concernant l’abolition de la peine de mort dans la Republika Srpska et la suppression des dispositions constitutionnelles relatives au Médiateur dans la Fédération.


7. L’Assemblée regrette profondément que plus d’un an après les élections générales tenues le 3 octobre 2010 à tous les niveaux à l’exception du niveau municipal, aucun gouvernement n’ait encore été formé. Le marchandage constant, de plus en plus amer et stérile à propos de la répartition ethnique des postes au sein du Conseil des ministres, n’améliore en rien l’image du pays.


8. L’Assemblée considère que la volonté démocratique des électeurs doit être respectée. Avec seulement quatre sièges sur 42 à la Chambre des représentants, l’Assemblée est d’avis que les deux principaux partis croates (HDZ et HDZ 1990) ne sont pas en mesure de revendiquer un tiers des neuf postes
ministériels, présidence incluse. Elle regrette qu’en juillet 2011, la Chambre des représentants n'ait pas pu confirmer la nomination d’un candidat croate ethnique et apolitique au poste de président du Conseil des ministres et à l’avenir, elle appelle les 14 délégués de Republika Srpska à utiliser leurs droits de vote par
entité avec parcimonie et à ne pas en abuser à des fins politiques à court terme.


9. Les institutions démocratiquement élues, telles que l’Assemblée parlementaire et la Présidence tripartite, ne doivent pas recevoir d’ordres de la part de chefs de partis politiques, mais travailler conformément au mandat de quatre ans qu’elles ont reçu des électeurs. Par conséquent, l’Assemblée invite la Présidence à nommer sans délai un nouveau candidat au poste de président du Conseil des ministres.


10. L’Assemblée souligne également l’importance d’une pleine coopération de la Bosnie-Herzégovine avec le Conseil de l’Europe, ce qui exige la participation active des représentants de la Bosnie-Herzégovine au sein des différentes instances et institutions du Conseil. Malheureusement, depuis près de 10 ans maintenant, la Présidence s’est avérée incapable de nommer des candidats aux postes clés de la
Commission de Venise, du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants (CPT), de la Commission européenne contre la racisme et l’intolérance (ECRI), des instances de la Convention cadre pour la protection des minorités nationales, etc. D’ici le 10 février 2012, la
Présidence doit également envoyer une liste de candidats au siège de juge à la Cour européenne des droits de l’homme, le juge actuel ayant démissionné bien avant la fin de son mandat. Il est également urgent que l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine élise un chef de délégation nationale à l’Assemblée.

11. L’Assemblée regrette également vivement l’important retard dans la constitution des deux chambres de l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine : la Chambre des représentants n’a commencé ses activités qu’à la fin du mois de mai 2011 et la Chambre des peuples au début du mois de juin 2011, ce qui a considérablement retardé l’adoption de certaines législations telles que la loi sur le recensement et la loi sur les aides d’État qui sont requises par l’Accord de partenariat européen entre la Bosnie-Herzégovine et l’Union européenne.


12. L’Assemblée invite instamment les autorités de Bosnie-Herzégovine à adopter le plus rapidement possible des amendements à la loi électorale afin de créer des mécanismes permettant de sanctionner le comportement anticonstitutionnel de certaines assemblées cantonales, qui ont bloqué la constitution de la
Chambre des peuples (de l’État) en n’envoyant pas leurs délégués dans les délais impartis à la Chambre des peuples de la Fédération, qui à son tour envoie des délégués à la Chambre des peuples au niveau de l’État.


13. La partie de session d’avril 2012 marque le dixième anniversaire de l’adhésion de la Bosnie-Herzégovine au Conseil de l’Europe. La situation actuelle empêche l’aboutissement de réformes indispensables dans des secteurs clés tels que les institutions démocratiques, l’État de droit et les droits de l’homme, et ralentit la progression du pays sur la voie de l’intégration européenne. L’Assemblée observe
que, depuis 2006, très peu de progrès ont été réalisés dans la mise en œuvre de certains engagements clés de la Bosnie-Herzégovine envers le Conseil de l’Europe, qui n’ont pas encore été honorés.


14. Pour briser le cycle de blocages et d’affrontements perpétuels, l’Assemblée invite une nouvelle fois les autorités de Bosnie-Herzégovine et les principaux acteurs de la scène politique à assumer leurs responsabilités, à mettre un terme à l’obstructionnisme et à travailler de manière constructive au niveau des institutions d’État.

15. L’Assemblée décide de suivre de près la situation en Bosnie-Herzégovine et de faire le point sur lesprogrès réalisés en matière de mise en œuvre de la présente et des résolutions précédentes. Si aucun progrès n’est réalisé sur les questions mentionnées dans cette résolution avant le 15 mars 2012, l’Assemblée examinera toute action qui s’avérerait nécessaire le cas échéant, lors de sa partie de session
d’avril 2012, à l’occasion du dixième anniversaire de l’adhésion de la Bosnie Herzégovine au Conseil de l’Europe.

 
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